Emilie du Châtelet [1]

On associe trop souvent de manière rapide le nom d'Emilie du Châtelet à celui de Voltaire avec qui elle a vécu une histoire d'amour passionnée. On en oublie ainsi toute la personnalité et l'importance de ses travaux scientifiques. Née le 17 décembre 1706 à Paris, fille de Louis Nicolas Le Tonnelier De Breteuil et de Gabrielle Anne De Froulay, Madame du Châtelet tire parti de sa naissance dans la noblesse. C'est ce statut social qui lui permettra de devenir la savante qu'elle sera. Cependant, il serait rapide de limiter son futur à ce simple état de fait.

Durant son enfance Emilie sera toujours poussée en avant par des parents, en particulier un père, qui a une passion dévorante pour les connaissances. Aucun savoir ne sera interdit à Emilie. A la maison, 3 pièces seront ``sacrifiées'' pour y loger une bibliothèque. Assez vite, elle pourra participer aux salons que tient son père entouré des plus grand esprits de l'époque. A un peu plus de 10 ans elle parlait déjà physique et astronomie avec Fontenelle. Ces faits sont rares pour l'époque où les connaissances étaient plutôt réservées aux fils de la famille. Toute sa vie elle restera une insoumise et une anticonformiste. Magré tout, elle sera mariée à Florent Claude, marquis Du Châtelet (choix de son père), ce qui lui confère son titre de marquise et le nom qu'on lui connait.

A 17 ans elle a reçu une éducation dans tous les domaines et a assez de connaissances en langue pour lire le philosophe John Locke dans le texte. Son père lui fera donner des cours de métaphysique et de mathématique, domaines dans lesquels se porte le plus son appétit. L'un de ses précepteur sera Maupertuis.

Son ambition de l’époque est de devenir la première femme savante de l'histoire. C'est un bourreau de travail qui ne dort que 2 heures par nuit ! Emilie a tous les traits de caractère que l'on donne parfois aux hommes ambitieux. Elle est extrêmement colérique, possessive et tyrannique. Anecdote amusante; lors de son histoire passionnée avec Voltaire, elle met sous clef certain des ouvrages en construction de l'auteur estimant qu'il perdait son temps avec la poésie et qu'il ferait mieux de se concentrer sur les oeuvres de Newton ! Voltaire obtempéra...

En 1738, elle choisira la physique définitivement comme sujet d'étude. Epicurienne, elle voit dans cette science une manière de mieux être. Il n'y a pas chez elle une volonté de vérité absolue, mais une véritable jouissance au décryptage du monde. Cette année est aussi l'année de sa première publication. Il s'agit d'un mémoire sur le feu pour le prix de l'Académie des Sciences. Voltaire, protecteur de toujours, demandera que le mémoire soit publié en précisant bien qu'il s'agit de l’œuvre d'une femme.

A cette époque la science n'est pas qu'une occupation de spécialistes, elle est hautement politique et il y a débats entre les partisans de Leibniz et ceux des nouvelles idées de Newton. Le premier nous parle de la conservation des forces vives (vis-vivas) qui en terme moderne correspond au double de l'énergie cinétique d'un système. Le second, associé aux idées de Descartes est partisan de la conservation de la quantité de mouvement. Dans son ouvrage Les Institutions de Physique Emilie se placera du côté des théories leibniziennes. A cette époque, pour des raisons philosophiques et sans entrer dans le détail des conclusions de Leibniz, c'est un sacrilège pour beaucoup en particulier pour Voltaire. La polémique enfle en rappelant que Madame du Châtelet s'était plutôt montrée newtonnienne dans son mémoire sur le feu. Ce dernier élément fait douter de son sérieux. Emilie ne prendra jamais totalement partie pour l'une ou l'autre des deux visions. Elle tentera cependant toute sa vie de concilier les deux. L'histoire lui donnera raison.

En 1745 elle relira Newton et sa décision sera prise de traduire les Philosophiae naturalis principia mathematica, travail auquel elle s’adonnera jusqu’à la toute fin de sa vie. Elle rendra un immense service à la communauté scientifique de l'époque en effectuant ces traductions, c'est ce qui la fera entrer dans l'histoire. Elle meurt le 9 septembre 1749. Plus tard, la femme de lettre Louise Collet rappellera l'importance de Madame Emilie du Châtelet pour le milieu scientifique mais aussi pour la diffusion des sciences en France au XVIIIème siècle.

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Références

[1] Emilie, Emilie : l'ambition féminine au XVIIIème siècle, Elisabeth Badinter